lundi 4 juillet 2011

Interview d'un psychanalyste pour mieux gérer le stress


 Comment mieux gérer le stress?

Après avoir lu attentivement les recommandations des professionnels de santé et surtout de l’INRS en matière de gestion du stress, je suis allée interviewer M. Hubert-Vadenay Turpin (HV.T dans le texte) qui est un psychanalyste  et qui a l’habitude de faire des formations sur le stress au travail. Je voulais avoir un point de vue différent du psychiatre sur le stress.






LBS: Bonjour, M. Hubert-Vadenay, avez-vous une définition à me donner pour le stress selon la psychanalyse?



HV.T: la psychanalyse ne parle pas beaucoup du stress mais plutôt d’angoisse. Dans le stress l’être humain sait ce qui l’inquiète, et cela provoque en lui certaines réactions quand il est confronté à l’élément stresseur, par exemple il peut avoir des palpitations etc...



LBS: Qu’est ce que l’angoisse?



HV.T: avec l’angoisse nous ne savons pas ce qui nous inquiète. Quand l’angoisse s’amplifie et se confronte au stress, on parle de crise d’angoisse, de panique. Cette crise pourra se traduire par des perturbations du fonctionnement psycho-biologique, comportemental et social. Mais en général, nous sommes en présence d’un mal-être intime (parfois apparent) plus ou moins durable qui colore le comportement social, affectif et professionnel de l’individu.





LBS: la relaxation est-elle vraiment efficace pour gérer le stress?



HV.T: oui, car elle peut donner à l’organisme le temps de résister, on peut donc encaisser le choc. Elle permet, notamment, de prendre en quelque sorte de la distance par rapport à la source stressante.



LBS: permettez-moi de m’interroger car une fois que l’on reprend le travail rien ne garanti que le stress aura disparu.



HVT: la relaxation aide bien sûr mais son efficacité n’est pas curative. Le stress est un élément capital dans le «burn-out» ou usure professionnelle, nous sommes là, face à une forme de dépression qui se manifeste uniquement au travail. Cela se remarque par un manque d’intérêt, par la sensation de dévalorisation, d’inutilité, de démotivation avec toute la douleur morale que cela comporte. Si on traite quelqu’un qui a perdu l’intérêt au travail, il faudra le valoriser, par exemple lui permettre d’entrevoir des perspectives d’avenir fantasmées. Mais d’un point de vue plus générale, le fonctionnement des unités de production modernes n’est pas fait pour l’épanouissement des machines et des hommes mais pour une rentabilité toujours plus grande et qui passe bien évidemment par l’usure de l’outil.




LBS: beaucoup de travailleurs se plaignent des mauvaises conditions de travail, qu’en pensez-vous?



HVT: Le travail doit être intéressant, et donc intéresser l’homme à un avenir meilleur. On ne peut pas totalement changer l’être humain car il a des limites. Par contre on peut modifier les conditions de travail, on appelle cela de l’ergonomie. Il faut aménager le travail en fonction des possibilités humaines. On ne peut arrêter le stress s’il n’y a pas une action simultanée sur les deux composantes du problème c’est-à-dire l’être humain et les conditions de travail. Donc seule, la relaxation ne suffit pas, elle ne prend en charge que de façon très partielle un élément de la problématique. La communication, quand à elle, est utilisée dans l’entreprise comme un espèce de faire- valoir, et semble prendre résolument et en finalité partie pour la productivité et non pour l’amélioration de la qualité des relations entre les objets, les outils et ceux qui en profitent comme système d’enrichissement. Une véritable réflexion sur l’humanisation de l’utilisation de l’outil de travail est évidemment indispensable,d’autant plus que c’est de l’Homme qu’il s’agit.



LBS: Que pensez-vous de la prise d’anxiolytiques pour gérer le stress?



HV.T: les anxiolytiques ont des effets comparables à l’aspirine, cela met sous cloche le symptôme mais ne le guérit pas. A long terme, ce n’est pas la solution.





LBS: Alors comment faire pour lutter contre le stress?



HV.T: il faut faire en sorte que l’être humain puisse être dans l’épanouissement, il faut de l’humanité dans le monde du travail. Tout d’abord ce que nous faisons par le travail permet à l’homme de se réaliser. Il faut travailler les questions de motivations, de plaisir à être utile pour et dans la société dans laquelle nous vivons, de jouissance. Le travail ne doit pas être vécu comme une contrainte. Il faut travailler sur les frustrations et sur la possibilité pour l’individu de s’épanouir.





LBS: que pensez-vous des suicides qui ont lieu dans le monde du travail?



HV.T: le suicide ne peut être directement causé seulement par les conditions de travail ; Mettre fin à sa vie implique une succession d’évènements et donc une histoire particulière. Se suicider c’est arrêter une souffrance ; On ne veut pas mourir, c’est la souffrance que l’on veut arrêter. Il y a des gens qui ont vécu tellement de choses et qui pourtant ne se sont pas suicidé. Dire que les mauvaises conditions de travail sont la cause unique du suicide, «je ne sais pas» sans vouloir choquer ceux qui ont perdu un proche dans ces conditions. Améliorer ces conditions est indispensable, Il me semble néanmoins que la gestion des blessures successives de notre histoire n’est pas chose facile. Le facteur déclenchant est-il la goutte qui fait déborder le vase ou alors un contenu plus volumineux versé dans un vase vide.



LBS: Existe t-il un «bon stress»; car pour moi le stress ne peut être bon?



HV.T: si on se réfère à la définition du stress par le Dr.Selye le stress est une réaction de notre organisme et il y a des bonnes et mauvaises réactions. Si c’est une adaptation de notre organisme face à certains dangers il peut y avoir un «bon stress». Et puis, il y à des gens pour lesquels le stress est une stimulation nécessaire sous peine de demeurer dans une attitude non conforme aux objectifs du moment.



LBS: Pouvez-vous me dire pourquoi on est une personne stressante?



HV.T: la personne stressante est d’abord une personne stressée. On ne peut être stressant que si l’autre à des prédispositions aux stress ou s’il n’a pas les moyens de répondre face à la sollicitation source.





LBS: dans ce cas, s’il s’agit d’un manager dans une entreprise?



HV.T: le manager stressant est une personne stressée mais il faut que ce manager le reconnaisse. Il faut donc travailler sur le stress; travailler le comportement de ce manager, dans l’optique d’une résolution groupale, pourquoi pas envisager avec lui une amélioration des résultats et donc une diminution de ses propres pressions qu’il ne fait que transmettre.



LBS: avez- vous autre chose à ajouter?



HV.T: c’est important de différencier le stress; l’angoisse peut être le socle du stress; quelqu’un d’angoissé peut avoir le comportement de quelqu’un qui est souvent stressé. Par exemple s’il est angoissé, il va se dire « je ne pourrai jamais franchir cet obstacle» alors qu’il peut le faire.



LBS: Monsieur Hubert-Vadenay; je tiens à vous remercier de votre point de vue sur le stress selon la psychanalyse.



HV.T: je vous remercie aussi et s’il vous manque quelque chose vous pourriez consulter mon support de formation pour les groupes intitulé «prévention et remediation» du « burn-out ».



Interview réalisée par Line Boisdur-Salbris avec une relecture de M. Hubert-Vadenay



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